Précarité énergétique : l’hydre de la transition énergétique

La précarité énergétique pose un problème à la fois sanitaire, économique et social indissociable du reste de la politique énergétique. Elle est caractérisée par la difficulté d’un ménage à se chauffer ou à se déplacer. L’observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) estime que la seule précarité énergétique liée aux dépenses pour le logement concerne 12 millions de personnes en France, en hausse de + 17% par rapport à 2006. Des mesures préventives et curatives existent, mais il semble qu’elles ne parviennent pas à endiguer la hausse de la précarité énergétique. L’OIE expose dans cette note les enjeux de la précarité énergétique et les instruments dédiés à la lutte contre ce phénomène.

Introduction

La précarité énergétique est une réalité aux conséquences sanitaires (le froid, l’humidité), sociales (la honte d’accueillir dans un logement froid, la difficulté de réaliser les trajets domicile-loisir), ou encore professionnelles (l’incapacité à se rendre au travail). A l’instar de la lutte contre le réchauffement climatique, le coût de l’inaction est souvent évoqué lorsqu’il est question de précarité énergétique. Un certain nombre de travaux montre que si la lutte contre ce phénomène nécessite des ressources, l’inaction a également des conséquences financières.

La loi Grenelle 2 définit les individus concernés comme « personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Cette définition semble néanmoins réductrice : la précarité énergétique liée à la mobilité est une réalité sociale qu’il est également nécessaire d’identifier et de traiter. L’appréciation d’une situation de précarité énergétique n’en reste pas moins subjective. Dès lors, comment qualifier et mesurer la précarité énergétique ? Il existe deux grands types d’approches du phénomène. L’approche économique, qui consiste à construire des indicateurs statistiques permettant de caractériser la population selon la part des dépenses énergétiques dans ses revenus, et l’approche centrée sur l’individu qui cherche à évaluer la précarité « ressentie ». Quel que soit le critère retenu, les analyses récentes montrent non seulement que la précarité énergétique concerne plusieurs millions de français, mais aussi qu’elle progresse.

Au mois de novembre 2016, le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment a publié une analyse statistique de la précarité énergétique pour le compte de l’Observatoire National de la Précarité Energétique. Cette analyse révèle que 3,8 millions de ménages peuvent être considérés comme précaires énergétiques, en France, pour la dimension « logement » du phénomène. Quant à la dimension « mobilité » de la précarité, l’INSEE estime qu’elle concerne jusqu’à 10 % des ménages français. La précarité énergétique est donc le mal rampant de la politique énergétique française. Au vu de ces éléments, il est essentiel de s’assurer que la transition énergétique se réalise aussi au profit des ménages précaires.

Allier transition énergétique et lutte contre la précarité énergétique semble au premier abord un vrai défi : la transition énergétique est en effet largement capitalistique (investissements dans l’efficacité énergétique, dans les énergies renouvelables, dans les réseaux…), tandis que les ménages précaires ont par nature des capacités financières limitées. Toutefois, la transition énergétique ne se fera qu’à la condition de résorber ce phénomène car, sans adhésion sociale, une transformation d’une telle ampleur est inenvisageable. C’est donc à juste titre que la précarité énergétique figure, aux côtés des objectifs de réduction de la consommation et des émissions de CO2, dès le premier article de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte adoptée en 2015.
La lutte contre la précarité énergétique nécessite des dispositifs spécifiques pour que tous les ménages français de bénéficier de la transition énergétique. La mise en œuvre adéquate de ces dispositifs repose en premier lieu sur la caractérisation des ménages sujets à la précarité énergétique.

Identifier la précarité énergétique

La précarité énergétique doit être appréhendée dans sa double dimension « bâtiment » et « mobilité ». Elle est en effet trop souvent réduite à la problématique « logement », alors qu’une part importante des dépenses des budgets des ménages est consacrée aux carburants.

Cette répartition masque de grandes divergences parmi la population. La part des dépenses énergétiques peut représenter jusqu’à 20 % des dépenses de certaines ménages. Pour nombre d’entre eux, en particulier en zone rurale, la précarité énergétique liée au transport est l’enjeu majeur. La distinction entre précarité « bâtiment » et « mobilité » permet de mieux analyser le phénomène, et d’évaluer de façon pertinente les politiques destinées à la combattre.

Les ménages modestes, premières victimes de la précarité énergétique liée au chauffage

La précarité énergétique liée au logement est la conséquence de plusieurs facteurs :

  • La faiblesse des revenus : plus les revenus du ménage sont faibles, plus les dépenses énergétiques en représentent une part importante.
  • Le mauvais état du logement : un logement vétuste ou en mauvais état génère un besoin d’énergie important.
  • Les prix élevés des énergies
  • Les habitudes de consommation : des habitudes socio-culturelles peuvent générer des consommations énergétiques superflues (avoir la même température de consigne pour toutes les pièces de la maison, conduire nerveusement…)
    Plus précisément, les précaires du bâtiment sont d’abord des précaires économiques : ce sont les ménages dont les revenus sont les plus faibles. Le CSTB a relié les revenus fiscaux de référence aux indicateurs de précarité énergétique. Il apparaît, en réalisant la moyenne des indicateurs de la précarité énergétique, que plus de 70 % des précaires des bâtiments se retrouvent parmi les 20 % des ménages dont les revenus fiscaux les plus faibles. Par conséquent, les populations les plus à risque sont les jeunes de moins de 30 ans et les personnes âgées. Elles ne représentent pas le plus grand nombre de précaires, mais en proportion, ces catégories sont surreprésentées.

    Egalement, les locataires sont surreprésentés parmi les ménages en situation de précarité énergétique. Cela s’explique à la fois par le lien de causalité entre revenus et propriété (les ménages les plus pauvres sont plus souvent locataires), et par la moindre incitation des locataires à réaliser des travaux dans leurs logements. La performance énergétique de ces habitations est généralement faible, car il s’agit majoritairement de logements construits avant 1975, c’est-à-dire avant la mise en place des réglementations thermiques. De plus, les propriétaires-bailleurs ont peu d’incitations à réaliser des gestes d’efficacité énergétique puisqu’ils n’en récupèrent pas les bénéfices sur la facture énergétique.

Enfin, il est intéressant d’identifier le lien entre énergie de chauffage et précarité énergétique. Selon l’analyse du CSTB, il apparaît que seulement 21 % des ménages précaires énergétiques sont chauffés à l’électricité, tandis que l’électricité chauffe 29 % des Français. Cela s’explique par le fait que le chauffage électrique est installé dans des logements plus récents, construits après la première réglementation thermique de 1975, et qui sont isolés. En revanche, les précaires énergétiques sont surreprésentés parmi les ménages dont le chauffage est collectif. L’explication de cette statistique réside essentiellement dans leur incapacité à moduler la consommation d’énergie.

La précarité énergétique du transport touche les zones rurales et périurbaines

La précarité énergétique liée au transport présente des caractères communs à celle du bâtiment. En premier lieu, la question de la situation économique des ménages reste prépondérante, tout comme celle du niveau des prix des énergies, en particulier des carburants. Néanmoins, il serait imparfait d’assimiler les populations de ces deux dimensions de la précarité énergétique.

En effet, la problématique transport touche les ménages qui ont les besoins de mobilité les plus importants : ceux qui doivent utiliser leurs voitures au quotidien pour aller travailler, réaliser des achats ou accéder à des services, dans des zones dans lesquelles l’offre de transport en communs est limitée voire inexistante. Les ménages victimes de cette précarité vivent surtout dans des zones rurales ou périurbaines. Dans les zones rurales, les revenus sont en moyenne plus faibles qu’en ville et les importants besoins de mobilité ne rencontrent aucune offre de transport en commun. La cartographie produite par l’INSEE révèle l’ampleur de ce phénomène : les pôles urbains sont peu sujets au phénomène, contrairement au Centre et au Nord-Est de la France.

A la différence de la dimension « chauffage » de la précarité énergétique, la problématique « mobilité » ne touche pas particulièrement les ménages les plus modestes : les individus qui se déplacent sont souvent des actifs qui doivent se rendre sur leur lieu de travail. Ces déplacements sont considérés comme contraints : les individus ne peuvent pas les limiter puisqu’ils doivent se rendre sur leur lieu de travail tous les jours, quels que soient les prix des carburants. Ainsi, selon une étude du CGDD , c’est le 3e quintile de la population en termes de revenus fiscaux (les ménages au niveau de vie intermédiaire) qui a la part des dépenses de carburant la plus importante dans son budget total. La corrélation entre précarité économique et précarité énergétique liée aux déplacements est donc beaucoup plus faible que pour la précarité liée au bâtiment.

Et la précarité énergétique en Europe ?
La précarité énergétique n’est pas une notion uniforme en Europe. Dans certains pays, comme l’Allemagne, elle n’est d’ailleurs pas définie par le gouvernement. Rendre compte de la réalité de la précarité énergétique en Europe nécessite donc un travail d’analyse important. Le think tank européen Insight-E a réalisé un travail de rapprochement des données nationales permettant de comparer la part des ménages vulnérables entre pays . Néanmoins, ce travail s’est concentré sur la dimension logement du phénomène. Il ressort de cette étude que les taux de précarité énergétique les plus élevés sont situés dans les pays du Sud et de l’Est de l’Europe, ce qui est conforme avec l’idée que la précarité énergétique du bâtiment est liée à la précarité économique.

La sensibilité de la précarité énergétique aux prix des énergies

L’évolution des prix des énergies a un rôle déterminant dans l’expansion du phénomène de la précarité énergétique. Le CSTB estime que pour une augmentation des prix des énergies de l’ordre de 10 %, ce sont plus de 420 000 ménages supplémentaires qui se retrouveraient dans une situation de précarité énergétique, uniquement pour la dimension « logement » du phénomène.

Que ce soient l’AIE ou la Banque Mondiale sur le plan international, et l’ADEME ou le Ministère de l’Energie au niveau national, les analyses s’accordent sur l’évolution des prix des énergies fossiles à moyen et long termes : les prix des énergies fossiles sont amenés à augmenter. L’incertitude réside davantage dans l’ampleur de cette évolution que dans son sens. Quant à l’électricité, le développement des énergies renouvelables et les besoins d’investissement dans le parc nucléaire et les réseaux seront nécessairement répercutés dans les prix aux consommateurs finaux. L’augmentation des prix des énergies est une réalité depuis plusieurs années.

Outre la tendance générale à la hausse des prix des énergies, leur volatilité est un élément important dans l’analyse de la précarité énergétique. Elle est amenée à perdurer pour les énergies fossiles, qui sont soumises aux forces des marchés internationaux contrairement à la biomasse et à l’électricité. Par exemple, le prix du fioul domestique peut varier de 30 % d’une année sur l’autre, ce qui soumet les ménages concernés à une grande incertitude sur leur reste à vivre. Un certain nombre de ménages est donc sujet à un phénomène « d’allers-retours » dans la précarité énergétique. La volatilité des prix entrave également la lutte contre la précarité énergétique puisqu’elle complexifie le calibrage et la pérennisation des dispositifs d’aides.

Volatilité des prix et acceptabilité sociale
En 2012, lorsque les prix des énergies fossiles ont atteint un plus haut, le gouvernement a été contraint de réduire le niveau de la TICPE de 3 ct€/L pendant trois mois. Cette réduction a représenté un manque à gagner de l’ordre de 400 M€ pour l’Etat. Cet épisode illustre la sensibilité politique de la question de la volatilité des prix des énergies.

En revanche, la fiscalité de l’énergie est à la main des décideurs publics. L’introduction en 2014 de la contribution climat-énergie, qui vise à encourager la transition énergétique, entraîne une augmentation du poids de la fiscalité sur les énergies fossiles (charbon, fioul domestique, carburants pétroliers, gaz naturel).

La fiscalité climatique, qui pénalise les consommateurs d’énergies fossiles, pèse en premier lieu sur les ménages chauffés au fioul ainsi que ceux qui ont des déplacements contraints, c’est-à-dire les ménages déjà les plus vulnérables. L’acceptabilité sociale d’une augmentation des prix des énergies fossiles, en particulier dans les territoires peu denses et étendus, est donc faible. La fiscalité climatique a tendance à vulnérabiliser des ménages n’ayant pas les capacités financières d’agir sur leur consommation d’énergie. La lutte contre ces effets précarisants est un enjeu incontournable de la transition énergétique qui nécessite des dispositifs spécifiques.

La lutte contre la précarité énergétique : des dispositifs ambitieux qui manquent une partie de leur cible

Un certain nombre d’aides à destination des ménages précaires existe déjà. Ces aides sont de nature préventive et curative, c’est-à-dire qu’elles peuvent agir sur le niveau de la consommation d’énergie (subvention d’actions d’efficacité énergétique par exemple) ou sur la facture du client (tarifs sociaux, chèque énergie). Ces deux types d’aides sont utilisés conjointement pour atténuer les conséquences de la précarité énergétique.

De nombreuses aides préventives pour le logement… très peu pour le transport

Le meilleur remède de long terme à la précarité énergétique réside dans la réduction des besoins énergétiques. Outre les réglementations thermiques, des dispositifs d’aide à la réalisation d’actions d’efficacité énergétique existent pour les ménages français. Ces outils sont néanmoins peu adaptés aux ménages précaires :

  • Le crédit d’impôt transition énergétique (CITE) permet de financer des travaux d’efficacité énergétique à hauteur de 30 %. Il requiert cependant d’avancer des sommes importantes, dont ne disposent pas les ménages les plus modestes.
  • L’éco prêt à taux zéro permet de financer le reste à charge à taux nul. Il n’est en revanche pas distribué par les banques aux ménages en situation de précarité.

Des aides complémentaires cherchent à accroître le nombre de gestes d’efficacité énergétique chez les ménages précaires, comme le programme « Habiter Mieux » de l’ANAH, l’éco-prêt logement social ou encore le microcrédit personnel. Deux mesures supplémentaires ont été adoptées par la LTECV :

  • un nouveau dispositif de Certificats d’Economies d’Energies (CEE) « précarité » : pour la période 2016-2017, les fournisseurs ont une obligation supplémentaire de 150 TWhc d’économies d’énergies chez les ménages en situation de précarité énergétique, ce qui représente environ 1 milliard d’euros sur la période.
  • l’individualisation des frais de chauffage dans les bâtiments collectifs, qui permet de maîtriser sa consommation d’énergie et donc sa facture énergétique. Cette mesure n’est pas spécifique aux ménages en situation de précarité énergétique, mais elle va permettre de résorber en partie le phénomène en évitant les surconsommations.

Au total, de nombreuses aides existent pour la précarité énergétique liée aux logements. Néanmoins, selon le CSTB, « la part des ménages en situation de précarité énergétique qui n’utilisent pas les dispositifs d’aides ou ne savent pas qu’ils les utilisent atteint entre 70 % et 77 % des ménages selon l’indicateur retenu ». Malgré la multiplication des dispositifs, les ménages en situation de précarité énergétique les dédaignent. Les raisons évoquées sont la nécessité d’avancer les fonds, le manque de notoriété des dispositifs et leur complexité. Egalement, la plupart de ces aides sont destinées aux ménages propriétaires, tandis que la précarité énergétique liée au chauffage touche essentiellement les locataires. L’incitation pour un locataire à investir dans l’efficacité énergétique est faible puisqu’il ne bénéficie pas nécessairement de la réduction de sa facture énergétique à long terme, et encore moins de la valorisation immobilière du logement. De son côté, le propriétaire bailleur y trouve également peu d’intérêt puisqu’il ne pourra pas valoriser son investissement à travers des économies sur sa facture énergétique. La « contribution au partage de l’économie des charges » instaurée en 2009 n’a pas rencontré le succès espéré à cause de sa complexité.

En ce qui concerne la dimension « transport » de la précarité énergétique, les aides préventives sont quasi-inexistantes. Elles se limitent à quelques programmes CEE, comme le programme PEnD-AURA déposé par RhonAlpEnergie Environnement, qui consiste à mettre en œuvre des actions pour réduire la précarité énergétique des individus en matière de déplacement. En revanche, la raréfaction des transports en commun dans les zones rurales tend à aggraver le phénomène.

Les aides manquent donc la majeure partie de leur cible, et des mécanismes de financement adaptés restent à diffuser pour répondre à cet enjeu.

L’efficacité des aides curatives progresse mais manque encore une partie de la cible

Jusqu’à présent, les consommateurs précaires d’électricité et de gaz bénéficient d’une déduction forfaitaire imputée sur la facture individuelle à travers des tarifs sociaux : le tarif de première nécessité (pour l’électricité), et le tarif spécial de solidarité (pour le gaz). La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a introduit un nouvel outil de soutien en faveur aux ménages précaires : le chèque énergie, qui devrait, à partir de 2018, se substituer aux tarifs sociaux.

Le chèque énergie est un moyen de paiement permettant aux bénéficiaires de payer leurs factures d’électricité, de gaz, ou d’autres sources d’énergie (fioul, GPL, bois...), ou de financer des travaux de rénovation énergétique du logement (travaux d’isolation, de changement de chaudière…). Ce dispositif représente un progrès par rapport aux tarifs sociaux pour au moins deux raisons :

  • Le chèque permet de révéler le juste prix de l’énergie aux ménages en situation de précarité énergétique tout en les aidant, ce qui leur permet de mieux valoriser leurs actions de réduction de la consommation,
  • Le chèque concerne toutes les énergies et peut être utilisé aussi bien pour payer sa facture énergétique que pour investir dans l’efficacité énergétique.

A terme, le chèque énergie concernera 4 millions de ménages, ce qui est équivalent au nombre de ménages concernées par la dimension logement de la précarité énergétique. En effet, à l’instar des tarifs sociaux de l’énergie, les ayants droits sont définis en fonction de leurs revenus fiscaux de référence , et non de leur situation énergétique : la quasi-totalité des chèques énergies sont donc distribués aux 20 % des ménages les plus pauvres. Cela exclut de facto les ménages éprouvant des difficultés à se déplacer, qui ont des revenus un peu plus élevés. Le traitement curatif de la précarité énergétique manque donc une partie de sa cible.

De plus, contrairement aux tarifs sociaux existants, le chèque énergie n’est pas entièrement automatique. S’il n’est pas besoin de le demander, les ménages précaires doivent être proactifs pour l’utiliser : il leur faut réaliser la démarche de renvoyer le chèque à leur fournisseur et remplir une attestation. Pour l’heure, le taux de retour des chèques énergies dans les départements de l’expérimentation s’élève à 50 % quatre mois après le lancement du dispositif . Il sera essentiel de s’assurer que tous les bénéficiaires du dispositif puissent effectivement en profiter.

La nécessité d’un ciblage plus fin au niveau territorial

La précarité énergétique recouvre des réalités très différentes selon les territoires : précarité liée à la mobilité dans les zones peu denses ou précarité économique dans les zones périurbaines par exemple. Le travail d’identification et de résorption de la précarité énergétique a nécessairement une dimension locale. Les territoires ont tout à gagner à éradiquer la précarité énergétique car elle affecte leur bon développement en limitant les flux et l’activité économique au niveau local.
La loi NOTRe a accordé au département des compétences en matière de solidarités territoriales et humaines. Elle permet notamment au département de « mettre en œuvre toute aide ou action relative à la prévention ou à la prise en charge des situations de fragilité, au développement social, […], et à l’autonomie des personnes. ».

Pour lutter contre la précarité énergétique, le département dispose de plusieurs outils, qui se déclinent en quatre grands champs d’action :

  • La cartographie de la précarité
  • L’identification des besoins
  • La construction de politiques publiques de lutte contre la précarité énergétique
  • La communication et la sensibilisation des acteurs du territoire

Avec ces éléments, le département aura la tâche de construire des outils de lutte contre la précarité énergétique avec la région et les communes, dont les prérogatives en termes d’urbanisme, de transport et d’énergie ont été accrues.

Conclusion

La précarité énergétique est un phénomène de plus en plus répandu dont les deux facettes (logement et mobilité) touchent des populations et des territoires différents. La prévisible hausse des prix des énergies risque d’aggraver fortement le phénomène. En effet, ce sont les ménages les plus sensibles à la précarité énergétique qui vont devoir supporter le plus fortement le poids de la fiscalité climatique : la contribution climat-énergie va notamment peser sur les ménages chauffés au fioul et ceux ayant des dépenses de carburant contraintes. La lutte contre la précarité énergétique est donc un enjeu de société : une réponse inadaptée à la progression de la précarité entraînera inévitablement une nouvelle ligne de fracture sociale en France.
Le chèque énergie et les CEE précarité énergétique améliorent la palette d’outils de lutte contre la précarité énergétique, mais semblent insuffisants au regard des évolutions liées à la transition énergétique. Les instruments économiques actuels manquent encore une grande partie de leur cible, en particulier sur le transport et les locataires. Cet état de fait est en partie lié à la difficulté de l’identification des populations en situation de précarité. Cette complexité requiert une approche territoriale coordonnée entre les maillons responsables de l’équipement et des infrastructures (les régions et les intercommunalités), et les départements qui ont des compétences sociales.